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Portraits de c.o.

Récit professionnel de Mirela Malushaj, c.o. : sous le signe de la diversité et de l’inclusion

Portraits de c.o. | 2022-11-12
SQO - semaine québécoise de l'orientation

Mirela Malushaj, conseillère d’orientation organisationnelle spécialisée en intervention auprès des personnes issues de la diversité culturelle

Comme bon nombre de nos collègues, Mirela Malushaj a vécu une réorientation de carrière qui s’est soldée par un retour aux études à la suite d’une rencontre avec une conseillère d’orientation, mais elle a effectué cette transition après avoir immigré au Québec. D’origine albanaise, elle vit un double processus d’immigration, débutant par la Grèce, où elle habite pendant neuf ans et œuvre dans le milieu touristique. Fin 2004, elle arrive au Canada avec l’idée d’apprendre la langue française, d’effectuer un retour aux études et de travailler dans un domaine d’aide à la personne. Elle découvre, grâce à un organisme d’employabilité de la région de Montréal, les services d’orientation, inconnus jusque-là pour la principale intéressée. Son contact avec la profession durant son processus éveille suffisamment sa curiosité pour l’ajouter aux choix à explorer plus en profondeur. Après avoir sondé plusieurs options en relation d’aide, son choix s’arrête avec assurance sur celui de conseillère d’orientation (c.o.) — elle amorce des études en ce sens à l’UQAM en développement de carrière.

Nous la retrouvons de nombreuses années plus tard, avec un curriculum vitæ aussi varié que mérité, conjugué à une soif d’évoluer dans sa pratique qui ne démord pas. Militante dans l’âme pour la profession de c.o., elle croit que celle-ci mérite d’être valorisée dans tous les milieux, à tous les paliers. D’ailleurs, dans chacune de ses expériences de travail, elle tente de faire briller l’expertise et la pertinence des c.o.

Accompagner les personnes issues de la diversité culturelle dans le développement de leur employabilité : une expertise de c.o.

Mirela a un intérêt marqué pour la diversité au sens large et elle a acquis une solide expérience en intervention auprès des personnes issues de l’immigration. En entrevue, je lui souligne que ses compétences linguistiques m’impressionnent et me fascinent, avec raison, car elle parle cinq langues (français, anglais, albanais, grec et italien), qu’elle maîtrise à différents niveaux, et elle possède des notions de base en espagnol et en russe. Spontanément, elle mentionne que, pour accompagner les personnes issues de l’immigration, la connaissance ou la maîtrise de plusieurs langues est un atout majeur pour tout intervenant : « Je ne maîtrise pas toutes les langues au même niveau, mais je vais souvent demander à mes clients de m’expliquer un passage dans leur langue, car je veux entendre leurs mots, leur vécu, leurs références... ». En plus d’être un atout d’intervention, c’est bien sûr une plus-value en matière d’employabilité, selon cette intervenante qui a travaillé dans ce secteur une bonne partie de sa carrière.

Dès ses débuts, Mirela désire redonner aux suivants. La grande aventure commence au Centre de ressources en employabilité Montréal Centre-Ville (CREMCV), d’abord comme stagiaire du baccalauréat en développement de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle poursuit ensuite son parcours professionnel au sein de cet organisme communautaire en tant que conseillère en développement de carrière puis à titre de c.o. senior auprès de la clientèle immigrante. Faire la différence auprès de celle-ci, en offrant un soutien personnalisé et rigoureux, est un grand honneur pour elle, car elle considère qu’il s’agit d’un service « absolument nécessaire ». Au fil du temps, cette expérience lui permet de participer, avec sa collègue Monique St-Amand, c.o., au développement d’un programme de transition de carrière pour les professionnels de la santé diplômés à l’international qui alliait intervention de groupe et individuelle. Elle rappelle qu’« il y avait un réel et important besoin, d’autant plus que notre organisme était situé sur l’île de Montréal ». Cette réalisation leur vaudra d’ailleurs une prestigieuse distinction en tant que lauréates du Prix de l’orientation, 2016 de l’Ordre, qui reconnaît la mise en valeur des enjeux de l’orientation au bénéfice du public et des clientèles des c.o.. : « Je suis très heureuse, honorée et privilégiée d’avoir travaillé au CREMCV et d’avoir participé à ma façon à la création de ce programme novateur. »

Forte de son expérience de neuf ans dans cet organisme, cette c.o. engagée, curieuse et avide de nouveaux défis décide de sortir de sa zone de confort et de se tourner vers la pratique organisationnelle.

La place des c.o. dans le secteur organisationnel

Mirela vit donc une transition professionnelle significative. Elle n’avait jamais vraiment envisagé sérieusement de travailler dans le secteur organisationnel, malgré un intérêt certain. Lorsqu’un gestionnaire visionnaire du secteur privé l’approche pour lui proposer de joindre les rangs de son service des ressources humaines (RH), elle sent l’appel du changement, même si elle apprécie encore son emploi dans le secteur de l’employabilité : « J’avais le désir de développer d’autres compétences et d’élargir mes champs d’expertise. J’étais rendue là et je sentais que c’était une occasion, mieux encore, de la synchronicité. » Le défi est bien présent : un emploi à la Côte-Nord, une région qu’elle n’a jamais visitée, dans un secteur qu’elle connaît peu, avec une ambition de donner un second souffle aux pratiques de RH en place. Elle m’explique que le directeur de Minerai de fer Québec désirait intégrer une conseillère d’orientation organisationnelle (c.o.o.) dans son équipe pour plusieurs raisons. Notamment, il connaissait le côté très humain et relationnel de la profession. Il désirait également une personne qui serait tout autant en mesure d’intervenir individuellement auprès des employés que de prendre des décisions stratégiques pour le développement des individus et de l’organisation. « Elle est justement là, la plus-value des c.o. dans le monde organisationnel ou des ressources humaines. On travaille en complémentarité avec les conseillers en ressources humaines : ensemble, nous avons les deux côtés de la médaille, on travaille pour et avec les humains. » Elle ajoute qu’elle pourrait obtenir le titre de conseillère en ressources humaines agréée (CRHA), mais que, stratégiquement et par amour de sa profession actuelle, elle préfère mettre de l’avant la pertinence du titre de c.o. dans ce secteur un peu plus marginal de notre domaine.

Dans le cadre de ses fonctions, elle pratique alors la relation d’aide à l’intérieur de l’entreprise par le truchement du coaching individuel. Elle obtient également un mandat de responsabilité et initiatives sociales. Elle guide par exemple un groupe de personnes immigrantes dans une visite de la Côte-Nord, développe des projets avec la communauté innue de la région, implante tranquillement une culture de la diversité au sein de l’entreprise, et ainsi de suite. Sous cet angle, il est possible de voir comment les compétences qu’elle a développées en employabilité auprès d’une clientèle immigrante devient une force indéniable dans ce nouveau contexte... la force des compétences transférables !

Œuvrer comme c.o. en entreprise ou en gestion : un monde de possibilités

Dernièrement, l’appel de la nouveauté et la synchronicité ont frappé à nouveau à la porte de la c.o.o. Elle obtient un poste de gestionnaire RH Talents et Culture au centre PHI, pôle culturel et artistique multidisciplinaire qui cultive tous les aspects de la création, de l’élaboration, de la production et de la diffusion : au carrefour de l’art, du cinéma, de la musique, du design et de la technologie. Enthousiaste, elle explique : « Par l’entremise de cet emploi, je marie un fort intérêt, moi-même consommatrice intéressée d’art et de culture, et mes compétences développées dans mes expériences en employabilité, en ressources humaines et en gestion. » Plus concrètement, les c.o.o. dans un service RH auront au quotidien des responsabilités très variées et des tâches qui se situent autant à un niveau macro (ex. : travailler à des politiques d’inclusion et de diversité) que micro (ex. : effectuer une entrevue d’embauche ou soutenir une mise à pied) ainsi que des tâches plus administratives. Vous l’aurez compris : les c.o.o. doivent aimer la variété.

La gestionnaire rappelle que l’intervention est toujours au cœur de ses fonctions, mais avec un rôle certain d’influence. Pour illustrer le tout, Mirela explique que nous sommes, en counseling et orientation traditionnelle, davantage en accompagnement individuel, avec l’objectif de laisser la personne prendre une décision et l’appuyer dans la mise en action. Dans son rôle de c.o.o. et de gestionnaire, elle est souvent appelée à œuvrer auprès des autres gestionnaires, qui doivent prendre des décisions stratégiques importantes : nous les soutenons, les conseillons et les influençons positivement. Bref, le cadre d’intervention est différent, mais l’objectif reste le même : le bien-être individuel et collectif.

L’orientation tout au long de la vie... la signification

Lorsqu’on aborde le sujet de l’orientation tout au long de la vie, Mirela cible trois éléments qui permettent d’expliquer cette réalité de notre profession. D’abord, elle mentionne les conjonctures externes : par exemple, les changements importants dans la société, comme ceux occasionnés par la pandémie de COVID-19, en sont la preuve. Sur ce plan, qu’elle qualifie d’« obligatoire », l’être humain n’a pas le choix d’apprendre, de s’adapter, voire de changer. Ensuite, elle ajoute que les individus ont des intérêts qui se modifient : c’est un processus évolutif normal. C’est pourquoi une bonne proportion d’adultes vivront des transitions professionnelles plus ou moins importantes en cours de carrière. Enfin, elle croit que les transitions nous apportent des surprises agréables comme désagréables, mais qu’elles nous font toutes grandir et nous mettent au défi. Il devient parfois nécessaire de prendre un temps d’arrêt et un besoin d’être accompagné dans celui-ci peut naître : c’est à ce moment que les c.o. répondent « présent ». Bref, la vie, comme la carrière, est faite de changements, qui forgent les personnes et les professionnels que nous sommes.

En tant que professionnelles et professionnels du domaine de la santé mentale et des relations humaines (DSMRH), nous sommes en mesure de bien comprendre et d’accompagner l’être humain dans toute sa complexité. Nos études multidisciplinaires à plusieurs niveaux, nos activité réservées, la complexité de nos compétences, etc., nous placent comme intervenants de choix pour accompagner les personnes bien au-delà de la transmission d’informations scolaires et professionnelles, et ce, tout au long de la vie !

L’avenir de la profession de c.o. : osons l’audace !

Sur les plans personnel et professionnel, Mirela a toujours eu le désir profond de faire changer les choses : une forte motivation qui la guide. tel un phare. tout au long de sa carrière. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle elle s’engage dans le conseil d’administration de l’OCCOQ (elle a d’ailleurs entamé son deuxième mandat d’administratrice au mois de juin dernier) et dans son comité stratégique. Son désir de participer à l’évolution de la profession ne date pas d’hier : elle a collaboré avec l’Ordre tout au long de ses études, comme étudiante associée au sein de plusieurs groupes de travail. Elle croit sincèrement que le changement passe par l’engagement, que ce soit à un niveau bénévole, politique, culturel, etc. Pour sa part, elle s’engage en poursuivant deux objectifs. L’un est collectif et altruiste : pour l’avancement de notre profession et la qualité des services offerts à la population. L’autre est ancré dans une motivation individuelle : cela lui permet de rester collée aux enjeux de la profession, alors qu’elle œuvre maintenant dans le monde des RH.

Elle ajoute, pleine d’espoir, qu’il faut être là où les décisions se prennent si l’on désire se frayer une place de choix, une place qui nous revient, dans les organisations : la reconnaissance des c.o. en dépend. Dans le secteur public, ce grand système avec plusieurs paliers, elle pense qu’il y a peut-être une difficulté supplémentaire pour briser certains plafonds : « Si l’on ne rentre pas dans la case, c’est plus difficile de faire la preuve qu’on peut faire la différence... mais pas impossible ! » Le secteur privé est plus flexible et ouvert à une culture différente, ce qui permet sûrement un meilleur accès à certaines postes, où il est alors plus facile de prouver tout le potentiel des c.o. D’après elle, pour activer et ancrer le changement, il faut le faire de l’intérieur des entreprises.

En conclusion, notre invitée nous rappelle que la profession en est rendue à une autre étape. Jusqu’à récemment, les c.o. devaient prouver leur compétence et leur pertinence sociale. Aujourd’hui, nous sommes en train d’en faire la preuve. « Dans les années à venir, je visualise notre profession dans une optique où nous n’aurions pas besoin d’expliquer ce que les c.o. mangent en hiver (rires). Leur rôle sera connu et compris au même titre que celui du comptable professionnel agréé (CPA). » Elle explique que les c.o. possèdent une diversité de compétences et de connaissances qui leur permettent de faire briller la personne au travail, tout en lui offrant un soutien en relation d’aide qui a une incidence sur chacune de ses sphères de vie. Ainsi leur intervention est-elle aussi axée sur la santé mentale des personnes. Pour toutes ces raisons, elle avance que « nous sommes une plus-value pour toute organisation désireuse de mettre l’humain au centre de ses priorités ». Une profession complète et gratifiante. « Je suis fière d’être c.o. », termine-t-elle.

Par Maxime Dumais, c.o. et coach professionnel, Création Carrière

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