Récit professionnel de Nathalie Hamel, c.o. : une histoire de passion
Nathalie Hamel, c.o. spécialisée en réadaptation auprès de la clientèle en santé mentale
Centre intégré de santé et services sociaux de Lanaudière
Pendant plus de 20 ans, elle travaille dans le monde de l’éducation, notamment comme responsable de services de garde. Puis, elle décide un jour de s’engager dans la plus importante transition professionnelle de sa vie, qui la mène en 2016 à l’obtention du diplôme de maîtrise en orientation à l’Université de Sherbrooke. À ce moment, son objectif de carrière est déjà très clair : travailler dans le secteur de la santé mentale. Étudiante très engagée dans ses études, elle relève avec brio la conciliation études-famille, en parvenant même à s’impliquer dans des activités de l’OCCOQ. Au sortir de ses études, forte d’un stage de 2e cycle dans ce milieu, elle obtient un poste de conseillère d’orientation au Centre intégré de santé et services sociaux de Lanaudière. Son mandat est notamment d’accompagner une clientèle qui présente une problématique sévère et persistante en matière de santé mentale.
Mme Hamel est une c.o. engagée pour la profession : elle se fait un devoir de défendre la pertinence sociale du rôle des c.o. dans le milieu de la santé mentale et, plus largement, dans la société en général.
Place du c.o. dans le secteur de la santé mentale
Au quotidien, Mme Hamel a la chance de faire partie d’une équipe multidisciplinaire et de collaborer avec différents acteurs communautaires, où le c.o. prend doucement, mais sûrement, sa place auprès de l’équipe médicale et d’intervention en santé mentale composée de médecins, d’infirmières, de travailleuses sociales, etc. Bien que les services des programmes pour lesquels travaille Mme Hamel existent depuis de nombreuses années, ils sont encore méconnus de la population et y œuvrer en tant que c.o. demeure atypique. Pourtant, l’apport de ces derniers est selon elle précieux, voire essentiel : « Par exemple, le Service d’intégration socioprofessionnelle permet à une clientèle adulte, dont la problématique de santé mentale nuit à l’employabilité, d’être soutenue tout au long de ses démarches concrètes d’orientation, que ce soit un retour aux études ou sur le marché du travail. Auparavant, toute l’équipe d’intervention se partageait ces tâches, mais l’arrivée des c.o., avec leur expertise du monde scolaire et professionnel, est venue ajouter de la valeur aux services déjà en place. » Elle précise que le soutien offert par les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) est complémentaire aux services communautaires : il agit comme une passerelle entre les différents services accessibles pour la clientèle.En revanche, la principale intéressée se permet de rappeler à ses pairs de faire preuve de patience lorsqu’il est question du rôle du c.o. dans le milieu de la santé. En effet, l’étiquette du c.o. qui travaille uniquement dans le milieu scolaire est toujours très forte dans l’imaginaire collectif. Il y a donc un important travail de sensibilisation qui demeure à faire auprès de chaque acteur du domaine de la santé mentale, mais aussi auprès du public. Mme Hamel fait d’ailleurs sienne la mission de faire (re)connaître la profession de c.o. au sein du processus de réadaptation socioprofessionnelle : « D’ailleurs, une période de recadrage fut nécessaire lorsque les c.o. ont intégré les différents programmes des CISSS en matière de santé mentale. Le recadrage est d’ailleurs toujours en cours. Il faut faire preuve de beaucoup de tact afin de ne pas heurter les autres professions dans leur rôle et leur identité professionnelle. Je pense qu’il est primordial de demeurer humble, de connaître et de respecter les limites de nos compétences, de faire preuve de bienveillance à l’égard de celui qui ne reconnaît pas l’étendue de notre expertise et d’exercer notre patience à éduquer l’autre sur la pertinence de notre rôle. » Selon la principale intéressée, ce n’est qu’ainsi que les membres de l’OCCOQ pourront se tailler une place de choix dans le milieu de la santé.
De c.o. à... gestionnaire
Selon Mme Hamel, « trop longtemps l’étiquette du “passeux de tests” fut accolée à notre profession : celle-ci n’aide évidemment pas à faire reconnaître l’étendue de l’expertise des c.o., autant dans le milieu de l’éducation qu’au sein des autres secteurs de pratique ». C’est notamment le cas lorsque la personne c.o. désire accéder à des postes de gestion, et ce, quel que soit le milieu. Pourtant, les avantages de sa formation et son expérience comme c.o. sont indéniables et nombreux pour assumer un rôle de gestionnaire.Premièrement, Mme Hamel rappelle que la personne c.o. détient une maîtrise, qui lui permet d’assumer des rôles décisionnels, notamment dans le secteur organisationnel. Deuxièmement, elle croit que ses compétences en intervention sont un atout important pour accompagner son équipe dans les différents problèmes et défis qui se présentent au quotidien. Troisièmement, elle mentionne avoir une grande facilité à aider ses employés à occuper les rôles et à exécuter les tâches qui mettent en valeur tout leur potentiel. Quatrièmement, en période de pandémie, plusieurs personnes remettent en question le sens qu’elles accordent au travail, ce qui provoque également des questionnements sur leur emploi. C’est principalement ici que la pertinence de sa profession de c.o. se fait ressentir : elle est alors en mesure d’accueillir l’autre avec ses enjeux et les émotions qu’ils provoquent, afin que la personne prenne des décisions éclairées. Cinquièmement, son rôle de gestionnaire lui permet de s’impliquer dans l’élaboration de nouveaux programmes. Elle a notamment été active avec des partenaires pour assurer la mise en œuvre du programme Mobilisation – Projection À’Venir, qui a obtenu une mention d’honneur aux Prix d’excellence du réseau de la santé et des services sociaux de 2019. Elle a aussi participé activement à l’harmonisation du Service d’intégration socioprofessionnelle du CISSS de Lanaudière, qui est finalement devenu une réalité régionale. Enfin, sa position stratégique lui donne l’occasion de faire la promotion de la plus-value des c.o., et ce, à tous les niveaux du domaine de la santé. Elle est d’ailleurs particulièrement fière de dire que quatre personnes c.o. font maintenant partie de ses équipes.
Orientation à toutes les étapes de la vie
Pour Mme Hamel, la pertinence de la profession de c.o. s’inscrit dans le fait qu’elle peut être utile à toutes les étapes de la vie. La personne c.o. permet aux gens qu’elle accompagne d’avoir une vitrine « pour être » d’abord et avant tout, et non seulement « pour faire ». « Je pense que nous sommes des professionnels aguerris afin de guider la personne cliente vers ce qu’elle est vraiment et ce qu’elle veut devenir. »Elle rappelle que l’orientation peut être utile à chaque transition importante de la vie, que ce soit pour tout le volet scolaire, au cours des différentes transitions, ou encore pour le volet employabilité, quand l’emploi actuel ne cadre plus avec la personne que l’on désire devenir, sans oublier l’accompagnement dans la réorientation de carrière ou même au moment de la préparation de son projet de retraite. Bref, l’orientation se décline dans de multiples possibilités.
Conseils pour les c.o. qui désirent travailler dans le domaine de la santé mentale
Mme Hamel offre son premier conseil aux étudiants en orientation : « Il peut être intéressant de viser ce milieu lors de vos stages en cours de formation. De plus, n’hésitez pas à contacter un membre de la direction en santé mentale de votre région afin de manifester votre intérêt ou pour poser vos questions. » C’est d’ailleurs de cette manière qu’elle a réussi à se tailler une place de choix dans ce secteur où les c.o. sont traditionnellement peu nombreux.Elle offre ensuite ses conseils à la personne c.o. qui aspire à travailler dans le monde de la réadaptation en santé mentale, notamment pour les CISSS du Québec. Cette personne doit d’abord et avant tout demeurer flexible, ouverte et en quelque sorte courageuse. En effet, elle rappelle que bien que le c.o. soit de plus en plus présent dans les équipes multidisciplinaires, plusieurs milieux demeurent à défricher... La patience est donc également de mise! Elle rappelle que l’humilité et la diplomatie sont les meilleures cartes de visite pour se construire une place de choix dans ce secteur. Autrement dit, « inutile d’arriver avec une posture d’experts, mieux vaut demeurer humble et démontrer notre expertise dans l’agir, dans nos actions, puis dans la collaboration. Il sera alors beaucoup plus facile de souligner chacun de nos bons coups et les apports possibles que peut apporter notre profession dans les dossiers clients que nous avons en commun avec d’autres professionnels ».
Enjeux et défis futurs pour la profession de c.o.
« Encore ici, la question de la pertinence sociale de notre profession et les mythes qui nous collent à la peau font partie de nos enjeux centraux. » D’après Mme Hamel, autant notre ordre professionnel que les membres eux-mêmes doivent continuer de faire des représentations afin de démystifier la profession, surtout sur le plan de notre expertise en santé mentale et en ressources humaines. Elle précise que même dans le secteur de l’éducation, où la personne c.o. est majoritairement présente, beaucoup de travail reste à réaliser pour que sa compétence en relation d’aide soit reconnue et adéquatement valorisée.Pour finir, elle souligne avec le sourire que le travail pour arriver à une représentation positive de notre profession est loin d’être terminé et que c’est par nos petites actions au quotidien, dossier par dossier, que l’on arrivera à la faire reconnaître à sa juste valeur, avec bienveillance, professionnalisme et persévérance.
Par Maxime Dumais, c.o. et coach professionnel, Création Carrière